vendredi 15 août 2014

Le nouveau califat islamique déclare le Djihad contre … les musulmans.



CALIFAT ISLAMIQUE

Par Raymond Ibrahim – Le 18 juillet 2014

Le nouveau « califat » d’Abou Bakr al-Baghdadi, l’état islamique, anciennement « ISIS », a récemment clairement déclaré qu’il avait l’intention de suivre les traces du califat original d’Abou Bakr Al-Sadiq (632-634), en particulier pour diriger son djihad contre les autres musulmans ; Dans le langage islamique,  les « hypocrites » et les « apostats » ou, dans la terminologie occidentale, les « modérés ».

Cette déclaration est arrivée dans le cadre du conflit actuel entre Israël et le Hamas, avec certains musulmans demandant au « califat » nouvellement formé quand il allait lancer un djihad contre l’État Juif.

La réponse de l’État Islamique : « Allah, dans le noble Coran, ne nous commande pas de combattre contre Israël ou les Juifs jusqu’à ce que nous ayons combattu les apostats et les hypocrites ».
Sur un des sites questions/réponses de l’État Islamique, certains ont demandé « pourquoi le califat ne combattait pas contre Israël, au lieu de verser le sang des fils de l’Irak et de la Syrie ».  Le nouveau califat a répondu :
« La plus grande réponse se trouve dans le noble Coran, quand Allah Tout-Puissant parle de l’ennemi proche.  Dans la majorité des versets du noble Coran, ce sont les hypocrites, parce qu’ils représentent un danger plus grand que les infidèles originaux [nés non-musulmans, par exemple, les Juifs et les Chrétiens].  Et la réponse se trouve avec Abu Bakr al-Sadiq, quand il a préféré combattre contre les apostats sur la conquête de Jérusalem [fath al-Qods], qui a été conquise par son successeur, Omar al-Khattab. »
Il y a beaucoup à dire sur cette réponse, puisqu’elle implique des allusions historiques.
Tout d’abord, c’est vrai.  Après la mort du prophète de l’Islam, un grand nombre de tribus arabes qui avaient été soumises à sa domination en devenant musulmanes, (le mot Musulman signifie simplement « celui qui s’est soumis ») pensaient qu’elles pouvaient maintenant tout renier, et elles ont donc apostasié en masse.  Ceci a a provoqué la première Ridda, ou « guerres d’apostasie », dirigée par Abou Bakr al-Sadiq, qui devint le premier calife à la mort de Mahomet en 632. Pendant près de deux ans, jusqu’à sa mort en 634, toute l’énergie de son califat a été centrée sur le djihad contre toutes les tribus arabes récalcitrantes, en les forçant par le tranchant de l’épée à retourner dans le giron de l’Islam.
Des dizaines de milliers d’arabes ont été brûlés, décapités, démembrés, ou crucifiés, dans le processus, selon l’histoire islamique, en particulier par « L’épée d’Allah ». Ce n’est que plus tard, sous le règne du deuxième calife, Omar al-Khattab (634-644), que les grandes conquêtes islamiques contre les « infidèles originaux », soit les peuples non arabes qui ne se sont jamais convertis à l’Islam, les chrétiens, les juifs, les zoroastriens, etc… ont eu lieu.
La guerre de l’Islam contre l’apostasie, tellement peu connue en Occident, figure en bonne place dans l’histoire islamique.  En effet, le Cheikh Yusuf al-Qaradawi, un des religieux musulmans les plus influents d’aujourd’hui, tout en discutant de l’importance de tuer tout musulman qui s’apostasie de l’Islam sur Al Jazeera, a déclaré correctement que, « Si la peine de mort pour apostasie avait été ignorée, l’Islam n’existerait plus aujourd’hui ; l’Islam aurait disparu à la mort du prophète ».
En bref, comme le déclare maintenant l’État Islamique, le premier et le plus grand ennemi de l’Islam, « le plus proche » ennemi est « l’apostat » et «l’hypocrite », car ils sont les plus aptes à subvertir l’Islam de l’intérieur.
Ce phénomène de musulmans « pieux » combattant et tuant des musulmans « tièdes », où des Chiites et des Sunnites se combattant mutuellement, pendant que les infidèles originaux regardent et applaudissent, a de nombreux précédents à travers l’histoire.  Par exemple, dans sa réponse, l’État Islamique en outre justifie ne pas combattre contre Israël en disant :
« La réponse se trouve dans Salah ad-Din al-Ayubi [Saladin] et Nur ad-Din Zanki quand ils ont combattu les Chiites en Égypte et en Syrie avant de s’occuper de Jérusalem.  Salah ad-Din s’est battu dans plus de 50 combats avant d’atteindre Jérusalem.  Et il a été dit à Salah ad-Din al-Ayubi : « Vous combattez les Chiites et les Fatimides en Égypte et permettez aux Croisés latins d’occuper Jérusalem ? »  Et il a répondu : « Je ne vais pas combattre contre les croisés alors que mon dos est exposé aux Chiites ». »
Tout cette histoire citée par l’État Islamique est destinée à exonérer l’affirmation principale du nouveau califat :« Jérusalem ne sera pas libéré tant que nous n’en aurons pas fini avec tous ces tyrans, ces familles et les pions du colonialisme qui contrôlent le destin du monde islamique. »
Quelques observations :
  • Bien que l’État islamique essaie de suggérer que seuls les autocrates comme Bachar al-Assad de la Syrie sont des « apostats » et des « hypocrites », et que la plupart des musulmans moyens veulent la Charia, le fait est qu’un grand nombre de musulmans dans le monde figurent dans cette catégorie.  La plus grande révolution de l’histoire, la révolution contre les Frères Musulmans de l’Égypte en juin 2013, en témoigne.  Ainsi, le djihad du nouveau califat n’est pas seulement contre les « tyrans », mais, contre de nombreux musulmans moyens également, comme en témoigne le carnage de l’organisation en Irak et en Syrie.
  • La déclaration de l’État Islamique justifiant sa non-confrontation avec Israël ne lui gagne pas beaucoup de soutien populaire dans le monde arabe et est naturellement dépeinte comme une dérobade.  En outre, ceci valide le récit arabe populaire que les États-Unis se rangent avec les islamistes pour faire des ravages dans la région ; Afin d’avoir les diverses sectes (Sunnites contre Chiites, modérés  contre islamistes) se battre entre elles afin de diviser et affaiblir la région.  Ainsi, le Dr Ahmed Karima, une des principaux professeurs en jurisprudence islamique à Al Azhar, a déclaré que la position de l’État Islamique au sujet d’Israël prouve que « c’est une création de l’intelligence des États-Unis et d’Israël » et que le nouveau califat « est le plus grand de tous les hypocrites ».
  • Alternativement, d’autres, en particulier islamistes, apprécient que l’État Islamique se structure lui-même selon le premier califat d’Abu Bakr, d’où la raison pour laquelle son premier calife a choisi ce nom parce qu’il s’est retrouvé opérant dans les mêmes circonstances.  La première mission du califat naissant et sans beaucoup de soutien, comme Abu Bakr, est de ré-asservir les musulmans à l’Islam. C’est alors seulement qu’il pourra se concentrer sur les « infidèles originaux ».
  • Bien que cette approche puisse être temporairement bonne pour Israël (et tous les états infidèles), dans le long terme, un califat unifié pleinement opérationnel avec des Musulmans « réformés » dans le voisinage n’est pas une jolie image.  Après tout, l’État Islamique n’exonère pas les infidèles, mais, il dit plutôt que son tour viendra lorsque le califat sera capable d’un assaut tous azimuts.  Au mieux, c’est un répit temporaire.