Habitants impuissants devant la montée des eaux
Le ministre de la Défense, Rubén Saavedra a annoncé ce terrible bilan lundi 17 février ajoutant que près de 59 000 familles ont été affectées par les pluies abondantes qui déferlent sur plusieurs régions, en particulier en Amazonie, causant des inondations, des crues et des glissements de terrain pouvant s’avérer meurtriers. Le ministre a insisté sur le fait que le gouvernement mettait tout en oeuvre pour venir en aide aux 143 municipalités (sur neuf départements) touchées de plein fouet par cette météo exécrable, un phénomène qui n’a malheureusement rein d’exceptionnel en cette période de l’année, même si son intensité cette année est notable.
Le fonctionnaire a signalé que les autorités ont d’ores et déjà remis près de 273 t d’aide humanitaire à travers le pays tandis que 150 t de vivres ont été distribuées dans la ville de Trinidad où les destructions sont particulièrement importantes. 250 vols d’aide humanitaire ont été effectués vers les départements de Pando, de Santa Cruz, de La Paz et du Beni pour secourir la population dans le besoin qui se retrouve coupée du monde. Ainsi de la nourriture, des médicaments et autres biens de première nécessité ont été distribués aux familles sinistrées, qui éprouvent un profond sentiment de désarroi devant l’ampleur des dégâts.
L’aide internationale se met en place
Malgré les appels des autorités régionales pour que le président Evo Morales déclare la région du Béni en « zone de désastre » (ce qui permet de débloquer des moyens supplémentaires), le gouvernement s’y refuse en affirmant qu’il a « la force nécessaire » pour étendre sa présence dans les zones affectées ajoutant que l’aide internationale n’est pas indispensable « la solidarité est bienvenue, mais nous ne vivrons pas toute notre vie de la solidarité ». Certains pays étrangers ont d’ores et déjà envoyé de l’aide à la Bolivie (eau potable, pastilles pour purifier l’eau)… parmi lesquels l’Argentine, le Venezuela et l’Italie, par ailleurs l’ONU s’est également mobilisée pour faire parvenir des médicaments et des tentes de fortune pour les habitants d’Amazonie désormais sans toit. L’Espagne doit également intervenir via le centre de logistique du Programme alimentaire mondial situé à Panamá.
Le président Evo Morales, a visité en personne en début de semaine la ville de Trinidad pour constater les dégâts et également se rendre compte de l’aide déployée sur place. Il a réitéré son refus de déclarer le Beni comme « zone de désastre » qui serait synonyme pour lui de faiblesse et de manque de moyens « nous ne nous sentons pas incapables ni même dépassés par les inondations et les désastres, quand on déclare l’état d’urgence c’est qu’il y a un manque de capacité, mais là il y a de la coopération [...]. le chef de l’État a par exemple tenu à remercier le président péruvien Ollanta Humala pour le prêt d’un hélicoptère favorisant l’accès aux zones sinistrées.
L’Amazonie bolivienne est cruellement frappée par les inondations
La ville de Trinidad subit les crues des fleuves Mamoré, Ibare et Mocovi et de ses affluents qui menacent les habitants pour la plupart indigènes, le chef de l’État a appelé les autorités à évacuer les populations qui risquent d’être totalement inondées si les pluies viennent à se poursuivre.
Parmi les zones affectées se trouvent le territoire indigène et parque Nacional Isiboro-Sécure, une commission rattachée au Tipnis est arrivée lundi à Santa Cruz pour s’approvisionner en médicaments et aliments destinés aux 64 communautés de la zone écologique actuellement sous les eaux. Le cacique (représentant indigène) de la communauté Santa Clara de la Tierra Comunitaria de Origen (TCO), Dionisio Moye, a regretté que l’aide fournie aux communautés soit aussi faible et tardive et a accusé ouvertement le gouvernement, en raison de son refus de déclarer l’état de catastrophe, d’une vengeance politique. Pour rappel, les natifs du Tipnis se sont opposés avec force à la construction d’une route traversant leur territoire protégé donnant lieu à des manifestations impressionnantes qui ont mis à mal l’autorité du président de la république et de ses ministres en créant une véritable crise.
Évacuation de sinistrés par hélicoptère
Le leader indigène a souligné que beaucoup d’enfants souffraient actuellement d’inflammation de l’estomac et de problèmes dermatologiques, car ils sont contraints de consommer de l’eau non potable et sont exposés à l’humidité à longueur de journée, sans oublier le manque d’alimentation qui se fait cruellement sentir.
Le ministère de la Santé a annoncé que des médecins allaient être dépêchés pour répondre aux urgences médicales de la population amazonienne, principalement dans les régions du Beni, Pando (nord), Santa Cruz (est), La Paz (ouest) et Cochabamba (centre).
« Le gouvernement central et le ministère ont la capacité de répondre aux urgences. Nous avons mobilisé 195 médecins boliviens », a déclaré le ministre Juan Carlos Calvimontes ajoutant « la dengue et les maladies diarrhéiques sont en train de devenir les principales menaces ». Pour rappel, la dengue est une maladie tropicale transmise par le moustique du genre Aedes, dans ses formes les plus graves elle peut être mortelle.
Ces précipitations ont par ailleurs causé la destruction de 36 726 hectares de cultures, la plupart appartenant à des communautés natives qui vivent essentiellement de leur production agricole, dans cette région élevage on déplore également la perte de 44 700 têtes de bétail.
La ville de Trinidad abrite 92 000 habitants, elle est la capitale du Beni, devenue l’épicentre de l’organisation humanitaire. La ville est protégée par une digue de 8,2 km construite par des militaires boliviens et vénézuéliens pour éviter une plus grande en montée des eaux et l’inondation de la zone. Le département s’étend sur une surface comparable à celle du Royaume-Uni, elle est la région qui alimente la Bolivie en viande.
Il y a deux semaines, l’État bolivien a déclaré l’état d’urgence nationale pour mettre à disposition davantage de moyens économiques et déployer des militaires et du personnel de secours dans les zones affectées.
(Aline Timbert)