vendredi 4 juillet 2014

Horreurs sous-marines : au large des Etats Unis, les coquilles d’animaux marins se dissolvent

Ce pourrait être l’intrigue d’un film d’horreur : les humains se réveillant un jour pour découvrir que des modifications chimiques dans l’atmosphère font se dissoudre des parties de leurs corps.

Mais pour les organismes marins tels que les papillons de mer, ou ptéropodes, au large de la côte ouest des Etats Unis, c’est ce qui se produit réellement. Le carbone en augmentation dans l’océan fait fondre les coquilles des papillons de mer, qui sont de petits escargots marins, constituant la base de la chaîne alimentaire de l’océan, qui comprend les proies du saumon rose, du maquereau et du hareng.

« Nous ne pensions pas que les ptéropodes seraient affectés à ce point dans notre zone côtière avant plusieurs dizaines d’années,» a déclaré le Professeur William Peterson, océanographe au ‘Northwest Fisheries Science Center’ de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), et qui co-écrit un article sur ces découvertes dans un article pour la revue Proceedings of the Royal Society B.

En recueillant des échantillons de papillons de mer de l’espèce Limacina helicina au large de la Californie, de l’état de Washington et de l’Orégon lors de l’été 2011, les chercheurs ont découvert que plus de 50 pour cent des papillons de mer de la côte souffraient de « dommages de dissolution sévères, » d’après l’article. Au large, 24 pour cent des individus montraient les mêmes dommages.

Les coquilles des papillons de mer se dissolvent en raison de l’acidification accrue des océans causée par les émissions humaines de CO2.

Tandis que les émissions provenant de la combustion du charbon, du gaz et du pétrole sont rejetées dans l’atmosphère, les océans finissent par absorber près d’un tiers des émissions globales cumulées. Cette augmentation du taux de CO2 dans les océans entraîne une baisse du taux de carbonate de calcium et de sa forme cristalline, l’aragonite, que les papillons de mer utilisent pour former leurs coquilles. De nombreuses autres espèces clé ont besoin du carbonate de calcium, comme les coraux, les crustacés, les mollusques et certaines espèces de plancton.

L’importance de l’acidification de l’océan varie selon les régions, la profondeur et les saisons, mais elle est particulièrement grave lors des remontées d’eau saisonnières. L’eau froide des profondeurs est alors poussée vers la surface, un phénomène qui aggrave la destruction de l’aragonite. En fait, les répercussions les plus graves ont été observées au large de la Californie, ou les niveaux de sous-saturation en aragonite étaient six fois plus importants dans les 100 premiers mètres de la colonne d’eau.

« Les Limacina helicina des régions côtières montraient une dissolution régulièrement répartie sur toute la surface des coquilles, alors que dans les zones plus au large, seule la première spire… montrait des traces de dissolution. Ceci laisse à penser que des conditions moins corrosives au large ont seulement affecté les ptéropodes au début de leur croissance, tandis qu’une exposition prolongée à des conditions sous-saturées plus sévères entraîne une dissolution touchant toute la surface de la coquille, » rapportent les scientifiques.

Avant la révolution industrielle – et l’afflux massif de CO2 qui en a résulté suite à la combustion des énergies fossiles – les chercheurs ont estimé qu’environ 20 pour cent des papillons de mer auraient subi une certaine dissolution de leur coquille. Le pourcentage de nos jours atteint plus du double (53 pour cent) près de la côte, et les scientifiques prédisent que 70 pour cent des papillons de mer de la région seront touchés d’ici à 2050.

« L’acidification de nos océans peut impacter les écosystèmes marins jusqu'à menacer la pérennité des ressources marines dont nous dépendons," dit Libby Jewett, directrice du programme sur l'acidification de l'océan de la NOAA. La recherche sur la progression et les conséquences de l'acidification de l'océan est vitale pour la compréhension des conséquences de notre consommation d'énergies fossiles."

Ce n'est pas la première fois que les scientifiques ont la preuve que l'aggravation de l'acidification de l'océan fait se dissoudre les coquilles des papillons de mer. Il y a deux ans, les chercheurs ont rapporté avoir découvert dans le sud de l'océan Antarctique des papillons de mer de la même espèce, Limacina helicina qui perdaient leurs coquilles.

"Les escargots ne vont pas nécessairement mourir à cause de leur coquille qui se dissout, cependant cela peut accroître leur vulnérabilité face aux prédateurs et aux infections, ayant par conséquence un impact sur d'autres éléments du réseau alimentaire," a dit en 2012 Geraint Tarling, auteur principal du rapport "British Antarctic Survey".

En effet, l'article le plus récent fait remarquer que la coquille est un élément clé de la reproduction du papillon de mer : "la coquille est d'une importance particulière...durant la période de reproduction quand les spermatozoïdes sont échangés entre les individus et qu'ils doivent être stockés avant de féconder un œuf."

Puisque les papillons de mer constituent une source de nourriture de base pour de nombreuses espèces de poisson, les scientifiques affirment que leur déclin pourrait être préjudiciable à toutes sortes d'animaux marins, y compris les baleines et les oiseaux de mer.

L'acidification de l'océan se produit de nos jours à un rythme plus rapide que jamais depuis ces 50 derniers millions d'années, et les répercussions à venir pourraient être si catastrophiques que l’ex directrice de la NOAA, Jane Lubchenco a qualifié l’acidification des océans de « frère jumeau, et tout aussi néfaste, du changement climatique.» Cependant l’acidification des océans ne retient que peu l’attention des médias et les émissions globales de gaz à effet de serre continuent d’augmenter.

Source © Mongabay