Une mer de poissons morts. Le 1er février, environ 10 000 tonnes de harengs ont été retrouvés flottant dans le Kolgrafafjörður, un petit fjord de la péninsule de Snæfellsnes, dans l'ouest de l'Islande, relate le quotidien du pays Morgunbladid. L'événement, s'il s'avère des plus impressionnants, n'est en réalité pas le premier : le 30 décembre, 30 000 tonnes de cette espèce vivant en bancs – soit pas loin d'un milliard d'individus – avaient péri au même endroit et de façon identique.
Comment expliquer cette hécatombe ? Les analyses effectuées sur le premier stock ont conclu à un manque d'oxygène de l'eau. Les experts estiment que ces carences ont pu être entraînées par la construction d'un pont, bâti en 2004 pour traverser le fjord au lieu de le contourner, qui aurait rétréci l'entrée de la crique en entraînant une avancée de la terre sur la mer.
"La construction de cet édifice a pu empêcher l'eau de suffisamment se renouveler, notamment en cas d'absence de vent. Le fjord pourrait donc pâtir de concentrations en oxygène trop faibles, explique Robert Arnar Stefansson, biologiste à l'institut de recherche du West Iceland Centre of Natural History. Il y a fort à craindre que de telles décimations surviennent de nouveau."
Depuis quelques semaines, autour de 300 000 tonnes de harengs auraient migré à proximité et à l'intérieur du fjord, attirés par ses eaux fraîches. "Ces poissons cherchent des eaux à 2 ou 3 °C pendant l'hiver, période de faible activité, explique Jóhann Sigurjónsson, directeur général de l'Institut de recherches marines islandais. L'entrée massive de ces bancs dans un fjord de petite taille a aussi pu contribuer à baisser la teneur en oxygène, la décomposition des premiers poissons morts accélérant ensuite le processus."
Au total, l'expert estime que 10 % du stock mâture de la zone a péri. "C'est un événement grave, ajoute-il. Nous enquêtons afin d'éviter qu'il ne se reproduise, si nécessaire par une intervention. Toutefois, le problème finira par se résorber : avec le printemps, les harengs migreront hors des zones littorales lors de la période de ponte."
Des écoliers et bénévoles ont récupéré quelques-uns des poissons morts pouvant servir de nourriture pour les animaux. Mais face au nombre de cadavres, et au coût que représenterait une véritable opération de nettoyage de la côte, le gouvernement a décidé de laisser le reste des harengs se décomposer naturellement.
Une décision qui pose problème pour les populations environnantes. "Les riverains se sont plaints de l'odeur de poisson pourri. Surtout que ce désagrément risque de s'aggraver avec les journées plus chaudes qui vont arriver", prévient Robert Arnar Stefansson. L'huile de poisson de harengs en décomposition pourrait par ailleurs menacer, dans les semaines et mois à venir, les dizaines de milliers d'oiseaux attirés par le site.
L'impact de l'événement se mesure aussi en termes économiques : leMorgunbladid évalue les deux stocks perdus à une valeur de 30 millions d'euros. Une perte conséquente pour l'économie islandaise, sachant que l'industrie de la pêche représente près de la moitié des exportations totales du pays.