Dans la petite ville de Bluffdale,
au creux d'une vallée reculée de l'Utah, cœur du pays mormon américain,
la National Security Agency (NSA) construit actuellement le plus grand
centre de collecte et d'analyse de données des Etats-Unis, auquel le
magazine Wired consacre sa couverture cette semaine.
Ce centre puissamment gardé devrait être opérationnel en septembre
2013. La NSA a consacré 2 milliards d'euros au chantier, qui doit
permettre d'abriter quatre halls à serveurs de 2 300 mètres carrés
chacun, plus 8 hectares de bâtiments destinés au support technique et à
l'administration du site. L'ensemble sera complètement autosuffisant.
Des réservoirs d'essence seront capable d'alimenter des générateurs de
secours trois jours durant ; des installations de pompage d'eau pourront
produire 6,4 millions de litres d'eau par jour, un système d'égouts et
d'air conditionné aidera à maintenir ces serveurs à une température
raisonnable. L’électricité sera fournie par une station autonome de 65
mégawatts, pour un coût total énergétique de 40 million de dollars par
an (30 millions d'euros), selon une estimation publiée par Wired.
L'objectif de cette Babel du renseignement est de capter, décoder et
analyser des données issues de communications classiques (courriels,
conversations téléphoniques, recherches sur Google), de tous types de
données personnelles (factures de parking, itinéraires de voyages,
achats en librairies…) et de données issues du "Web profond", non
directement accessible (informations financières, transactions
boursières, accords commerciaux, communications militaires et
diplomatiques étrangères, documents légaux, informations personnelles
confidentielles…).
En 2005, le New York Times avait déjà révélé
que la NSA s'était lancée sans mandat juridique dans un vaste programme
d'écoute des communications sur le sol américain, depuis l'échec
cuisant du 11 septembre. L'institution, créée comme un outil du
ministère de la défense après le désastre de Pearl Harbor, avait
entrepris une profonde refonte de son travail, dont ce centre est un
aboutissement. "Même s'il y a peu de preuves que la NSA soit
aujourd'hui plus efficace — après tout, malgré de nombreuses
opportunités, elle a raté la tentative d'attaque du "terroriste en
caleçon" en vol pour Détroit en 2009, et l'attentat à la voiture piégée
de Times Square en 2010 — il n'y a pas de doute sur le fait qu'elle est
devenue l'agence de renseignement la plus vaste, la plus secrète et
potentiellement intrusive jamais créée," écrit Wired.
Le centre de données de l'Utah puise ses sources en se branchant
directement sur les "prises" des compagnies de télécommunications (un
système déjà exposé par le New York Times en 2005) en
surveillant les stations terrestres du réseau AT&T, de gigantesques
paraboles qui gèrent les communications entre Etats-Unis, l'Europe, le
Moyen-Orient, l'Asie et la zone Pacifique.
Pour décoder les données protégées ainsi collecter, la NSA
travaille avec un superordinateur, situé dans le "bâtiment 5 300" du
centre de Bluffdale, appelé sobrement "Zone de recherche
multiprogrammes". Des responsables de la NSA ayant participé à la
création du site déclarent à Wired que l'équipe en charge du
décryptage a récemment réussi "une percée" technologique, mais qu'elle a
besoin de plus de capacité de traitement pour la mettre en action.
C'est dans l'Utah qu'elle prévoit de le faire.
La NSA souhaiterait mettre en route un ordinateur capable de
coordonner la collecte, la lecture et le classement de ces milliards de
données à travers le monde d'ici 2018. Selon l'un des responsables
anonymes cités par Wired : "Tout le monde est une cible ; toute personne qui communique est une cible."
Source:
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/03/16/centre-despionnage-desert-americain
Autre source en anglais ici