Les chrétiens restent le groupe religieux le plus discriminé dans le monde : 75 % des cas d’atteintes à la liberté religieuse les concernent. Crédit Reuters
Chaque année, le soir de Noël, alors que les Européens vivent la commémoration de la naissance du Christ comme une fête joyeuse, les chrétiens vivant là où le christianisme est persécuté vont à la messe de minuit, la peur au ventre. Chaque année en effet, les chrétiens de ces pays sont pris d’assaut jusque sur le parvis de leurs églises. Le message de leurs bourreaux est clair : pour être en sécurité, il faut soit partir soit cesser d’être chrétien.
Le nombre de Chrétiens persécutés dans le monde oscille entre 100 et 150 millions d’âmes. Ce chiffre, en hausse constante, fait du christianisme la religion la plus persécutée. Selon Portes ouvertes, "un chrétien meurt toutes les 5 minutes". Et comme l’explique Marc Fromager, directeur de l’Aide à l’Eglise en détresse (AED), "sur 131 pays de culture chrétienne, il n’y en a pas un seul où la législation sur la liberté religieuse laisse à désirer. Sur 49 pays de culture musulmane, 17 ne tolèrent aucune autre religion et contrôlent étroitement les croyants non musulmans, 19 reconnaissent théoriquement la liberté religieuse mais ne l’appliquent pas en pratique. Les chrétiens restent le groupe religieux le plus discriminé dans le monde: 75 % des cas d’atteintes à la liberté religieuse les concernent".
Et le pire dans cette christianophobie mondiale est l’indifférence qui l’entoure. Certes, les attentats contre des Chrétiens en Irak ou en Egypte en 2010-2011 revendiqués par Al-Qaïda furent fort médiatisés. Mais les nombreux cas de "christianophobie ordinaire", commis au nom des législations en vigueur ou avec la complicité des autorités, sont ignorés. Ceci s’explique par le fait que les mythes fondateurs du politiquement correct et la "politique d’apaisement" empêchent de désigner les bourreaux.
En vertu du premier mythe, celui qui fait du communisme l’idéologie égalitaire des "opprimés", il est impossible de dire que les régimes marxistes d’hier (ex-URSS) et d’aujourd’hui (Chine, Corée du Nord, etc) sont les plus terribles persécuteurs de chrétiens, lesquels sont pour eux des "agents de l’Occident capitaliste". Rappelons à ceux qui pensent que le communisme est "mort" avec la chute de l’ex-URSS que la Chine et la Corée du Nord communistes sont les plus grands tueurs de chrétiens. En Corée du Nord, ces derniers peuvent être tués juste à cause de leur foi. En Chine, l’évangélisation est punie par des peines de prison et les chrétiens, suspects d’être "révolutionnaires", ne peuvent adhérer qu’aux pseudos églises contrôlées par le parti communiste. Fait parmi tant d’autres, le 25 décembre dernier, lorsque les membres de l’église protestante Shouwang ont voulu célébrer leur messe, 50 d’entre eux ont été arrêtés. Et depuis avril 2011, date à laquelle l’église a été obligée de célébrer son culte en plein air, faute de local, 1000 fidèles ont été incarcérés. Chaque année, le nombre de chrétiens incarcérés à vie ou morts en prison –dont des évêques et nombre de prêtres- s’élève à des milliers.
En vertu du deuxième mythe, celui des religions asiatiques – boudhisme et hindouïsme – "foncièrement pacifiques et tolérantes", les crimes anti-chrétiens commis en terre bouddhiste (Laos, Cambodge, Vietnam, etc) ou hindouïste (Etats de l’Union indienne dirigés par le parti nationaliste BJP) sont ignorés par nos bonnes consciences "bobo" qui pensent que le christianisme est la pire des religions. Or en Inde, les chrétiens, réprimés par les lois "anti-prosélytisme", sont perçus comme des "traîtres" à la nation indienne hindouiste. Souvent issus de la sous-caste des Dalits (Intouchables), ils subissent des raids d’extrémistes hindous et des partis nationalistes religieux au pouvoir dans certains Etats. Ainsi, dans l’Etat de l’Orissa, mille chrétiens ont été tués depuis 2007 ; 50 000 Dalits ont fui leur maison pillée par les hindouïstes, mais la plupart des criminels anti-chrétiens ont échappé à la justice.
Le troisième mythe, celui de "l’islam religion de paix et de tolérance", empêche de dire que les chrétiens (assimilés aux "Croisés occidentaux") ont toujours été traités en citoyens de seconde zone ou en bouc-émissaires, parfois cibles de génocides (Turquie, Soudan, etc). Au Nigeria, plus grand Etat musulman d’Afrique noire, qui compte 50% de musulmans et autant de chrétiens, 11 Etats fédéraux du nord (à majorité musulmane) ont imposé la charia aux chrétiens. Comme chaque année, les chrétiens redoutent des attaques islamistes lors de la messe de minuit, comme celles qui ont tué 50 fidèles durant la Noël 2011. Dans le Nord du pays, qui a sombré dans la guerre civile depuis que les partis islamiques ont refusé la victoire électorale du président nigérien chrétien Jonhattant Gooluck, le mouvement islamiste terroriste Boko Haram (qui signifie "interdire l’Occident"), a tué plus de 3000 chrétiens depuis 2009. En 2012, 450 chrétiens ont été tués, dont 185 dans la ville de Kano. Au Pakistan, les Chrétiens, qui forment 1,5% de la population, sont de véritables sous-citoyens. Le cas d’Asia Bibi, cette mère de famille chrétienne condamnée à mort pour "blasphème", après avoir bu dans un puits "réservé aux musulmans", n’est qu’un cas (médiatisé) parmi tant d’autres (non médiatisés). En Arabie Saoudite, grand allié des Etats-Unis, le christianisme est interdit. Une fatwa du chef suprême du wahhabisme stipule que les églises doivent être détruites dans la péninsule arabique. Récemment, 30 chrétiens ont été incarcérés à la prison de Briman (Djeddah) pour avoir célébré un office en privé. Depuis leurs geôles, ils implorent en vain l’aide des Nations unies et des organisations de défenses de droits de l’Homme. En Syrie, les chrétiens sont agressés par les Salafistes et l’Armée Syrienne Libre (ASL), soutenue par la Turquie. Ceux qui vivent dans la zone de Lattaquié, Tartus, Tal Khalakh ou dans la "vallée des chrétiens", jadis havre de paix, sont expulsés de leur village par des jihadistes. En Egypte, où les Frères musulmans ont fait approuver une constitution fondée sur la Charià, les chrétiens sont désignés comme les responsables des manifestations laïques hostiles au président Morsi et à la Charià. En décembre 2012, un tribunal du Caire a condamné à mort sept chrétiens coptes pour leur implication dans le film islamophobe qui enflamma le monde. Mais le journaliste qui diffusa en premier le film sur une télévision égyptienne n’a, quant à lui, jamais été inquiété… Fait divers parmi tant d’autres, sous prétexte que la chemise d’un musulman aurait été brûlée par un chrétien, le quartier chrétien de Dahshura a été entièrement brûlé par les islamistes... En Irak, la situation est encore plus tragique : depuis le retour des islamistes en 2003, après la chute du régime laïc de Saddam Hussein, il ne reste plus que 300 000 chrétiens (contre 1,2 million en 1980). Et en Palestine, dans la ville du Christ, à Bethlehem, les chrétiens rasent les murs.
La conclusion s’impose d’elle-même : en restant silencieux, les dirigeants occidentaux, qui pourraient exiger de leurs "alliés" musulmans le même traitement pour les chrétiens que celui qu'ils exigent pour les musulmans en Occident, sont de facto complices des gouvernements qui persécutent ou tuent des chrétiens.
*Alexandre del Valle est aussi l'auteur de "La nouvelle christianophobie, pourquoi on tue les chrétiens dans le monde aujourd’hui" (Maxima, 2011)