Et si les tableaux de l'économie mondiale s'affolaient à nouveau
"L’économie mondiale approche d’une zone de krach majeur ; des signes avant-coureurs l’indiquent : effondrement brutal (et toujours inexpliqué) du marché de l’or ; décrochage spectaculaire (et temporaire) du marché japonais ; conditions aberrantes du marché des obligations pourries (junk bonds) aux États-Unis ; financement à taux réels négatifs de pays comme la France, pourtant en récession, avec chômage en explosion, déficit commercial abyssal et compétitivité perdue. L’ouragan approche, il pourrait balayer à nouveau la planète Finance.
Cette crise historique commencée en juillet 2007 a déjà connu plusieurs phases de répit. Elles furent présentées, l’une après l’autre, comme la fin du tunnel, le début d’une reconquête de la croissance perdue, avant que le tocsin ne se remette à sonner et que les ennuis ne recommencent, toujours là où personne ne les attendait. À chaque fois, l’arrêt de la spirale récessive a résulté de mesures vigoureuses prises par les autorités politiques. Leur particularité a été de s’attaquer aux symptômes du mal, jamais à son origine première : l’accumulation historique de dettes par l’ensemble des richissimes démocraties d’Occident.
Ce furent la relance fiscale de George Bush du printemps 2008, la garantie des dettes bancaires par les États fin 2008, les plans de relance à la suite de celui d’Obama début 2009, la garantie des dettes des États faibles par les États forts en 2010-2011, puis, « last but not least », à partir de fin 2011, l’émission massive de monnaie par les propres banques centrales des États surendettés.
Cette ultime solution est la plus délirante, quand on y songe. S’il suffisait de créer de la fausse monnaie pour résoudre les problèmes structurels d’économies en déclin, on se demande pourquoi avoir perdu tant de temps et n’avoir pas lancé depuis longtemps, à plein régime, la planche à billets. La vérité est que ce que l’on qualifie en termes pudiques de « politique non conventionnelle » est la dernière cartouche, dont on sait désormais qu’elle pourrait faire long feu. L’énorme afflux de liquidités artificielles détruit les équilibres, interdit toute projection rationnelle dans le long terme, fausse l’ensemble des statistiques sur lesquelles devraient s’appuyer les décisions économiques. Entendons-nous bien : ce remède de cheval fut bienvenu, quand se profilait le spectre d’un effet domino commençant par les faillites de banques européennes ; il devient mortifère s’il est appliqué sans limitation de temps ni de quantité.
Ce moment approche. Deux bulles inquiétantes se sont créées : l’une sur le marché de la dette avec des taux d’intérêt tellement bas, l’autre sur les marchés d’actions, qui battent records sur records. La fièvre s’est emparée de Wall Street, comme dans les années 1920 de « Gatsby le Magnifique », annonçant l’effondrement d’un certain « jeudi noir ».
Le sentiment de fragilité devant cette fuite en avant est partagé par un nombre croissant d’acteurs financiers. La question n’est plus de savoir si le krach aura lieu mais quand et l’ampleur qu’il prendra. Le détonateur est connu : ce sera la remontée des taux à laquelle devra se résoudre la Federal Reserve, un jour ou l’autre. Plus on attend, plus la déflagration sera forte, plus les effets seront importants ; ils prendront la forme de faillites retentissantes des grands fonds n’ayant su se dégager à temps. Quand commence une panique boursière, le perdant est celui qui se dégage trop tard ; et là, l’erreur fatale peut se compter en secondes.
Dès lors, en cet étrange printemps 2013, bien hétéroclite apparaît la coalition en faveur d’une poursuite, voire d’une accentuation de la politique d’intervention des banques centrales. On y trouve les fanatiques d’une croissance à n’importe quel prix, par tradition, de très nombreux économistes ou politiques américains ; on y trouve aussi les ennemis de l’austérité, les extrémistes et populistes de tout poil ; et par extension, les opportunistes qui sentent à quel point la population souffre de la correction des erreurs passées. Pour le coup, la baguette magique des banques centrales risque d’être la pire. Quand la foudre touchera les indices boursiers, elle apparaîtra pour ce qu’elle était : une bombe à retardement.