dimanche 15 décembre 2013

Je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu - Jérôme Prekel

« Je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies» (Apocalypse 3/18).
L’exhortation à «acheter» est parfois mal comprise parce que l’Écriture met nettement l’accent sur la gratuité de la faveur de Dieu. Les hommes sont « gratuitement justifiés par sa grâce» (Rom. 3/23 et 24), le Salut est gratuit (Rom. 5/15 et 16) parce que « le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur» (Rom. 6/23).
Comment concilier la parfaite orthodoxie de la «sola gratia[1]» avec le conseil qui est adressé à l’église de Laodicée, «d’acheter» de l’or purifié, un vêtement blanc, et un collyre ? Pourquoi «acheter» ce qui nous manque alors que l’épître aux Philippiens nous encourage simplement à le demander à Dieu ? «Ne vous inquiétez de rien; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces»(4/6).
Tout simplement parce que l’exhortation adressée à l’église de Laodicée NE CONCERNE PAS LE SALUT ni la faveur de Dieu — qui nous est acquise en tant que rachetés et justifiés par Christ — mais ses effets dans notre vie : la sanctification avec son fruit, dont dépend notre révélation de Christ : «Recherchez … la sanctification, sans laquelle personne ne verra le Seigneur» (Hébreux 12/14). En effet, les éléments cités (or pur, vêtement blancs et collyre) sont des acquisitions issues d’une confiance absolue en Christ et dans sa parole, qui entraîne notre obéissance vivante[2]. Et l’obéissance (l’abandon de notre souveraineté pour celle d’un Autre, Christ) a un prix que Dieu reconnaît ici. L’obéissance ne mène pas toujours à la confiance, mais la confiance mène toujours à l’obéissance.
Ce n’est pas un petit détail de noter que le conseil ne porte pas simplement sur le fait d’acheter de l’or, mais surtout d’acheter de l’or purifié, encore plus coûteux que le «simple» or. La tentation de s’arrêter à une adhésion limitée, superficielle à la vérité, peut atteindre tout un chacun : « Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien; les démons le croient aussi, et ils tremblent. Mais veux-tu savoir, ô homme vain, que la foi sans les oeuvres est morte (inutile) ? » (Jacques 2/19, voir aussi la parabole du semeur, Mat. 13).
Il est tout à fait possible de se contenter d’un or qui n’a pas été passé par le feu de l’épreuve de vérité personnelle — celle où la vérité cesse d’être un concept pour devenir une réalité, notre réalité.
Laodicée est prête à porter tous les fruits qu’on veut bien, mais en demeurant en-deçà d’une certaine limite : elle s’arrête donc en chemin, un état à mi-température qui lui convient, qu’elle estime suffisant. Elle est en Christ, ce qui n’est déjà pas si mal. Elle est toute prête à lutter pour sauvegarder ses valeurs, à développer son espace d’influence, à multiplier les églises, à organiser une meilleure visibilité de sa notoriété, mais son christianisme ne va pas jusqu’au don de soi-même[3]. Elle veut bien vivre pour des idées, mais elle n’est pas prête à mourir pour des idées. Elle se laisse donc entraîner loin des enseignements — et des expériences — radicales : la séparation des ténèbres d’avec la lumière, de la vérité d’avec le mensonge, de la chair et de l’Esprit. Elle est abusée par des artifices religieux qui l’amènent dans des considérations spirituelles erronées : «tu crois que tu es riche … mais tu ne sais pas que tu es pauvre, aveugle, misérable et nue».
C’est pourquoi la voix de l’Esprit exhorte ce christianisme à ACHETER. Parce qu’une foi qui ne coûte rien (à celui qui la professe) n’a aucune valeur spirituelle. Et cet appel ne nous renvoie pas simplement au message de la Croix, à une nouvelle méditation sur la Croix, mais à une expérimentation personnelle de la croix, de notre croix. Jésus a porté la sienne, il ne portera pas la nôtre.
Cette nécessité spirituelle d’entrer dans un chemin coûteux, qui va générer une marche au cours de laquelle nous pouvons réaliser la perte de certaines choses (mais gagner Christ[4]), se trouve en filigrane de l’ensemble des enseignements néo-testamentaires. Nous en avons une illustration en écoutant les messages que Jésus délivre à ses auditoires : aux foules qui viennent à lui pour être secourus, bénis, guéris, délivrés, il ne demande rien. Stricement rien. Il donne gratuitement, et il prend même soin de laisser cette recommandation aux apôtres : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement» (Math. 10/8). Mais à ceux qui veulent Le suivre et devenir des disciples, il demande TOUT : « Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple» (Luc 14/33) et « Alors Jésus dit à ses disciples: si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive» (Mat. 16/24).
C’est cela, le feu qui purifie l’or. Jésus est dans la flamme et c’est en entrant dans cette flamme que le disciple deviendra comme son maître[5]. Non plus en adhérant de l’extérieur à une philosophie ou une spiritualité supérieure, mais en devenant ce disciple accompli.
Pour devenir chrétien, il n’y a rien de plus simple : les bras de Jésus sont grands ouverts. Mais pour demeurer chrétien, pour devenir un fils ou une fille de Dieu accompli, il n’y a rien de plus difficile. Cela ne se résume pas seulement à un problème de Bien ou de Mal, de péché ou de justice, mais de savoir jusqu’où ira notre confiance en Lui et dans ce qu’Il dit. Sa vision est-elle vraiment juste ? Sa Parole est-elle vraiment vraie ? Peut-on vivre de cette manière-là ? N’est-ce pas un manque de réalisme ? Ne doit-on pas adapter le message à l’époque et à la culture ? Dieu peut-il vraiment avoir de telles exigences de séparation du Mal ?
C’est donc finalement à SA vision que se confronte NOTRE propre estimation des choses, et c’est notre souveraineté, notre propre capacité à décider de notre destin, qui est mise en balance avec la Sienne. Jusqu’à ce que nous entrions en conformité avec sa volonté, au point de pouvoir dire : «ce n’est plus moi qui vis … mais c’est Christ qui vit en moi»[6] .
«L’or éprouvé par le feu», c’est une foi en Dieu qui a démontré sa véracité, qui a fait ses preuves, c’est-à-dire une vie qui suit le Seigneur et qui a dépassé le stade théorique[7]. La foi, c’est SUIVRE. C’est ce que disait Jésus : « Vous êtes mes amis, si vous faites tout ce que moi je vous commande» (Jean 15/14).
Lorsque nos enfants sont pleins d’illusions sur la vie, ils ont besoin de se confronter à sa réalité : c’est alors que leur conception passe au feu de l’épreuve, et ce qu’il en reste, c’est la vérité. Pour le chrétien, c’est la même chose. Une foi qui ne suit pas est une foi immobile, stérile. Mieux vaut un chrétien à la théologie pauvre, mais qui est en mouvement, qu’un chrétien qui sait tout sur tout, et qui pontifie depuis sa chaise. L’élève devient un disciple en devenant un maître en pratique[8]. C’est ici le chemin : MARCHEZ-Y. La sanctification ne doit pas être regardée comme un but, mais comme un moyen de parvenir au but.
Être comme Jésus, c’est marcher comme Jésus. Car le but de l’Esprit est de nous amener à marcher comme Jésus Lui-Même a marché[9] : « Celui qui dit qu’il demeure en lui, doit aussi marcher comme il a marché lui-même» (1 Jean 2/6).

« Que celui qui est injuste soit encore injuste,
que celui qui est souillé se souille encore;
et que le juste pratique encore la justice,
et que celui qui est saint se sanctifie encore»
(Apocalypse 22/11).
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