2014 pourrait être l'année de la plus grande crise de toute l'histoire, bien pire que le shutdaown des Etats-Unis qui a coûté 24 milliards de dollars en deux semaines. cc/flickr/Laurent KB
Il est d’usage d’expliquer doctement aux gens que l’on ne peut pas prévoir les bulles financières a priori. On ne sait qu’il y avait une bulle qu’après qu’elle ait éclaté !
Cette affirmation est totalement fausse. Il est facile de voir si une bulle se forme, il est en revanche presque impossible de savoir quand elle éclatera tant la bêtise humaine est illimitée, comme le disait Einstein.
Le principe d’une bulle est assez facile à définir. Il s’agit d’une valorisation excessive, c’est-à-dire décorrélée de la réalité et des fondamentaux économiques.
Il y a bien, en France, une bulle immobilière puisqu’il faut dépenser aujourd’hui pour se loger plus de deux fois plus qu’il y a 10 ans sans que les salaires n’aient progressé de la même façon. Néanmoins, cela peut durer longtemps et le moment de la correction n’est pas prévisible. L’immobilier baisse d’ailleurs légèrement actuellement dans les grandes villes.
Rappel des faits
Revenons rapidement sur les événements de ces 5 dernières années. Tout d’abord en 2007-2008, tout s’effondre ou presque en particulier aux USA. Chute des marchés, chute de l’immobilier, de l’emploi, du prix des voitures neuves, etc. L’effet « pauvreté » est donc immédiat sur les ménages américains dans la mesure où une grande partie de leur patrimoine vient de s’envoler sous leurs yeux en quelques mois. L’effet sur la croissance est radical, les États-Unis tombent dans la récession la plus importante depuis celle de 1929 et ses proportions auraient certainement été supérieures sans l’intervention massive aussi bien du gouvernement fédéral que de la banque centrale et entraîne l’économie mondiale dans leur sillage tant le système est désormais globalisé.
La question centrale : peut-on combattre une récession majeure ?
Nous en sommes d’ailleurs toujours à attendre la réponse avec certitude à cette fameuse question, bien que personne n’ose en parler publiquement. Nous avons tout de même quelques éléments de réponse, au bout de six ans de crise, à cette question mais aucune certitude car il est bien trop tôt pour se prononcer. Je m’explique.
Pour Ben Bernanke et la presque totalité des élites économiques de la planète, en 1929 nous avons fait les mauvais choix en refusant de stimuler suffisamment l’économie et en « laissant faire » au marché son grand nettoyage. Une crise est salvatrice dans la mesure où, une fois que toutes les surcapacités ont été supprimées, que tout ce qui n’était pas rentable a fait faillite et que l’ensemble de la population qui a pu survivre à la famine recommence à manger… tout peut repartir comme avant, jusqu’à la prochaine crise. C’est la théorie du laisser-faire. En 1929, tout s’enfonce jusqu’au fameux New Deal de Roosevelt, dont l’histoire retient qu’il met fin à la crise. Sans doute parce que Roosevelt avait un bon biographe. En réalité, la crise de 1929 prendra réellement fin avec le réarmement massif et la Seconde Guerre mondiale.
Alors peut-on contrer une récession/déflation historique ? La réponse pour le moment est oui MAIS en créant des bulles monumentales, ce qui est très logique dans la mesure où, pour contrer les effets déflationnistes, on augmente la masse monétaire, on crée de l’argent à partir de rien, on imprime du billet, on balance de l’argent gratuitement à tous les financiers et banquiers de la planète (pas aux gens, sinon il y aurait un risque d’inflation !!).
Nous sommes face à la plus grosse bulle de tous les temps !!
Comme je vous le disais à l’instant, on ne donne surtout pas ces sous aux gens. Il faut que les gens travaillent pour gagner leur pitance, sinon, ma brave dame, où irait le monde !! Non, il faut avoir des principes en économie.
Résultat logique au bout de cinq année de crise, cet afflux de liquidités n’a pas fondamentalement créé une dynamique de croissance forte mais a empêché effectivement une déflation aux États-Unis et une récession type 1929. Cela a permis de stabiliser puis de relancer le prix des actifs et de faire augmenter à nouveau le patrimoine moyen de l’américain moyen, ce qui explique d’ailleurs en très grande partie la stabilisation du moral des ménages US directement indexé sur les cours de Wall Street puisque leurs retraites sont investies en grande partie en actions américaines.
Sauf que si l’on regarde les chiffres, tout cela ne repose pas sur une véritable croissance économique et sur de la création de richesse. Cela repose sur du vent, sur du virtuel, sur de l’injection permanente de liquidités et d’argent frais. L’économie est sous perfusion hier, comme aujourd’hui et depuis 2007.
Quelle est l’ampleur de cette bu-bulle ?
Eh bien c’est une « maxi-best-off » ! Quelques chiffres pour faire frémir la ménagère de moins de 50 ans et de plus de 50 ans !!
1/ Montant du PIB mondial 70 000 milliards de dollars, France 2 000 milliards d’euros, USA environ 16 000 milliards de dollars.
2/ Montant des produits dérivés ? Plus de 708 000 milliards de dollars… Oups… pô bon du tout.
3/ Montant total du bilan des banques ? Vous ne voulez pas savoir. Si ? Vous insistez ? Eh bien reportez-vous au point 2 (juste au-dessus) et vous avez une excellente approximation de la situation. Re-oups… pô bon non plus.
4/ Dette des plus grands États à travers la planète ? Globalement à 100 % de dettes/PIB, plus les engagements hors bilan des États (du type retraite des fonctionnaires) et en gros, vous avez une bulle massive de la dette des États.
5/ Les actions sont au plus haut niveau de tous les temps (pas en France mais aux USA par exemple) et le Dow Jones, alors que les bénéfices des entreprises baissent… vole de record en record. Pourquoi pas, mais c’est clairement une bulle et en 2013 la situation est bien pire qu’elle ne l’était en janvier 2007 alors que personne n’avait encore entendu parler des subprimes (crise à l’été 2007).
6/ Les taux d’intérêt étant au plus bas, s’ils remontent… c’est tout le marché obligataire qui s’effondre ! Et le marché obligataire c’est une immense partie de l’épargne mondiale. En fait, le marché obligataire c’est l’épargne mondiale. C’est par exemple vos fameux contrats d’assurance vie fonds euros garantis par votre banquier (éclat de rire monumental).
D’où la question, « taper » ou t’as peur ?
Si la FED fait son « tapering », c’est-à-dire la réduction de ses injections de monnaie, alors cela revient à retirer la perfusion du mourant. La question est l’organisme est-il capable de supporter le retrait de la perfusion ? Si la réponse est oui la convalescence sera au mieux douloureuse, mais si la réponse est non… on risque l’arrêt cardiaque à tout moment.
La FED va-t-elle donc aller au bout de la logique annoncée tout en sachant que d’ici mi-décembre, c’est-à-dire demain, il va falloir que les parlementaires américains envisagent soit de faire faillite (ce qui n’est pas exclu), soit de se mettre d’accord sur un plafond de la dette et sur un budget pour l’année en cours… Et là, ce n’est pas gagné du tout. L’État américain risque un nouveau shutdown après les fêtes (en attendant les cons-con-somment) puisque la limite est fixée au 14 janvier 2014… ce qui nous laisse approximativement un mois.
La FED peut donc soit envisager de couper rapidement pour se redonner de la marge et remettre la même chose au pot d’ici un mois… soit attendre un accord et couper en partie les perfusions fin janvier début février en profitant de l’euphorie d’un accord qui se serait fait dans la douceur et la félicité collective (ce n’est pas gagné).
Dans tous les cas, comme c’est la FED qui rachète l’essentiel de la dette américaine… qui viendra acheter ? Et à quel prix ? D’où le risque de remontée des taux qui étoufferait complètement l’économie qui replongerait aussi tôt en… récession !!
Alors peut-on sortir de cette crise par le haut ?
Je peux me tromper évidemment, et la situation est d’une telle complexité qu’affirmer avec certitude un point de vue ne serait pas crédible. J’ai néanmoins la conviction que nous avons dépassé le point de non-retour et qu’il est désormais impossible de stopper les injections massives de liquidités (ne pas confondre un véritable arrêt avec des effets d’annonces où sur 85 milliards imprimés chaque mois, on réduit à 80…).
Si les injections sont stoppées, alors les gigantesques bulles dont je vous parlais au début ne pourront qu’exploser, et si elles explosent alors que l’on ne peut plus rien faire on se retrouvera dans la même situation qu’en 1929, à savoir qu’on laissera faire… et que tout le système s’effondrera avant de pouvoir repartir sur des bases saines dans quelques années et après avoir fait des ravages colossaux.
L’exemple japonais nous montre que même la création monétaire atteint forcément ses propres limites et que malgré les milliards de yens déversés chaque jour, la croissance japonaise repart à nouveau à la baisse. On ne lutte pas contre la déflation avec de la fausse monnaie, car une déflation conséquence d’une récession n’est pas un problème monétaire !!
La crise n’est pas monétaire, elle est économique !
Logiquement, tout le monde peut comprendre ce raisonnement. On lutte contre la déflation en utilisant l’arme monétaire mais cette crise n’a pas de cause monétaire (néanmoins cela finira, à force de jouer avec nos monnaies, par une crise monétaire mondiale).
Les raisons de cette crise sont à trouver dans des déséquilibres que nous avons créés et laissés s’amplifier depuis presque 30 ans, avec une accélération depuis 20 ans.
Ce qu’il faut c’est régler ces déséquilibres notamment liés à la raréfaction des ressources et à la mondialisation de l’économie.
Nous ne le faisons pas. Donc comme nous ne le faisons pas et que nous utilisons les mauvais outils, nous amplifions encore les déséquilibres et nous rajoutons un problème de bulles financières multiples et à la taille jamais atteinte à un problème économique structurel.
Dans un premier temps, cela permet de gagner… justement du temps ! Mais dans un second temps… il va bien falloir soit que ces bulles explosent, puisqu’il est dans la nature des bulles de gonfler jusqu’à ce qu’elles explosent, soit que l’on continue à les faire grossir indéfiniment mais dans ce cas cela veut dire que l’on ira de plus en plus loin dans l’impression de fausse monnaie, jusqu’à ce que ce soit la confiance dans la monnaie qui explose.
Bref ! Nous sommes dans une impasse économique. Les montants en jeu sont trop importants et l’économie mondiale est dans un état « irrémédiablement » compromis.
Préparez-vous donc à l’explosion. Elle est inéluctable. La seule incertitude concerne le moment, et 2014 est un très bon candidat !
Restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez-bien !!