Un changement ne suffit pas pour que de vieux ennemis deviennent amis. Or, les relations Iran-Egypte sont tendues depuis plusieurs décennies. Sous Nasser, l’orientation américaine de la politique du Shah d’Iran a poussé le leader égyptien à soutenir des groupes anti-Shah. Quand, avec Sadat, l’Egypte a à son tour effectué un virage vers l’Ouest et signé les accords de Camp David, l’Iran, alors devenue République Islamique, a vu ce rapprochement d’un mauvais œil. Par la suite, les relations entre les deux pays n’ont eu de cesse de se détériorer : le soutien de l’Egypte à l’Irak lors de la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988 n’a rien fait pour améliorer les choses.
Certes, ces deux pays ont un bagage historique et culturel qui leur permet de se présenter tous deux comme leaders de leur région. Mais à ce statu quo entre les deux puissances, il faut ajouter des différences fondamentales entre l’Egypte, arabe et sunnite, et l’Iran, perse et chiite, qui peuvent partiellement expliquer la rivalité entre les deux pays. Cependant, les circonstances actuelles semblent désormais créer une opportunité de coopération.
A l’été 2011, une délégation égyptienne s’est ainsi déplacée à Téhéran pour rencontrer le président et le ministre des Affaires étrangères iraniens. Si l’Egypte avance prudemment, tentant de ne pas s’aliéner ses alliés du Golfe, son président, M. Morsi, a à son tour effectué le déplacement à Téhéran en août 2012 pour la réunion du Mouvement des Non-Alignés. En février 2013, son homologue iranien lui rendait la pareille en venant au Caire pour une réunion de l’Organisation de la Coopération Islamique.
On peut trouver plusieurs raisons à ces rapprochements. L’Egypte a besoin de fonds et de pétrole, ce que l’Iran possède. La puissance perse, quant à elle, peut, à travers l’Egypte, accéder à l’Afrique du Nord, l’Afrique Centrale, et à la Méditerranée. Le président Morsi a d’ailleurs permis aux navires de guerre iraniens de traverser le canal de Suez pour accéder à cette dernière, permettant à l’Iran de renforcer son statut de puissance régionale, et de se défaire quelque peu de l’ombre de son rival, l’Arabie Saoudite.
Seul l’avenir dira si les deux pays parviendront à conjuguer leurs besoins et intérêts, et à devenir d’importants partenaires. Les critiques de M. Morsi à l’encontre du régime de Bachar al-Assad, soutenu par Téhéran, illustrent toutefois les dissensions qui restent nombreuses et présentes entre les deux puissances.